3 choses à retenir sur la nouvelle loi relative au parquet européen
Après de longs mois d’attente, la loi relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a été adoptée le 16 décembre 2020 puis promulguée quelques jours plus tard (Loi n° 2020-1672)
Pour rappel le parquet européen devait fonctionner fin novembre 2020 : alors que l’Union européenne était prête, certains États membres ont traîné : d’abord pour désigner leur procureur européen, du niveau central ; ensuite pour adopter la loi afin d’adapter leurs législations face à l’immixtion des procureurs européens délégués au sein de leurs ordres juridiques internes. À ce titre, leur nomination demeure attendue. En France il y en aura cinq qui œuvreront directement dans les États membres pour lutter contre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne (atteinte au budget de l’UE – fraude à la TVA – corruption d’agents de l’UE …).
Le statut et les garanties statutaires des procureurs européens délégués : le silence
La loi n’aborde pas cette question, le règlement européen s’en était déjà chargé en ces termes : « le parquet européen est indépendant » (art. 6) (Lire l’article sur le sujet). Concrètement, ils « ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune personne extérieure au Parquet européen, d’aucun État membre de l’Union européenne, ou d’aucune institution, d’aucun organe ou organisme de l’Union. Les États membres de l’Union européenne et les institutions, organes et organismes de l’Union respectent l’indépendance du Parquet européen et ne cherchent pas à l’influencer dans l’exercice de ses missions » (art. 6). Néanmoins, « ils sont soumis à leur hiérarchie interne : ils suivent les orientations et les instructions de la chambre permanente chargée de l’affaire ainsi que les instructions du procureur européen chargé de la surveillance de l’affaire » (art. 13).
Les pouvoirs des procureurs européens délégués : l’expression
-La loi concerne principalement le niveau décentralisé, puisqu’elle adapte principalement la procédure pénale française en considération de l’immixtion des procureurs européens délégués qui exerceront concrètement l’action publique au sein des États membres (Lire l’article sur le sujet)
-Le parquet européen sera compétent pour les infractions qui ont été commises après le 20 novembre 2017 (art. 696-108 du CPP envisagé).
-Les procureurs européens délégués auront les mêmes prérogatives que leurs homologues nationaux, mais ils pourront user des prérogatives du juge d’instruction s’il estime nécessaire de « mettre en examen une personne ou de la placer sous le statut de témoin assisté, soit de recourir à des actes d’investigation qui ne peuvent être ordonnés qu’au cours d’une instruction, en raison de leur durée ou de leur nature » (art. 696-114 du CPP envisagé). La loi liste les différentes prérogatives qu’il peut mettre en œuvre en suivant.
-Par exemple, il peut placer sous contrôle judiciaire sans l’intervention du juge des libertés et de la détention, ce qui apparaît surprenant compte tenu de l’atteinte de la mesure aux libertés individuelles (art. 696-119 du CPP envisagé).
-Si cette enquête d’un nouveau genre est mise en œuvre, les garanties de l’instruction migrent vers le stade de l’enquête, faisant de ce stade un cadre plus protecteur. Dès lors, « les personnes mises en examen, témoins assistés ou parties civiles exercent l’intégralité des droits qui leur sont reconnus par le présent code au cours de l’instruction, en particulier le droit d’être assisté par un avocat et d’avoir accès au contenu de la procédure, de formuler une demande d’acte auprès du procureur européen délégué, de présenter une requête en annulation ou de former un recours devant la chambre de l’instruction » (art. 696-114 du CPP envisagé).
-Les procureurs européens délégués useront des prérogatives des agents des douanes relevant de sa compétence matérielle (art. 344-1 et s. du code des douanes envisagé).
La juridiction compétente : la spécialisation
La juridiction nationale sera spécialisée puisque seul le tribunal judiciaire de Paris sera compétent pour juger des infractions poursuivies par le parquet européen (art. L. 211-19 du COJ).
L’organe devrait officiellement fonctionner en mars 2021, on reste attentif.